Depluis plusieurs semaines, Il y’a au Gabon une psychose concernant des supposés enlèvements d’enfants pour effectuer des crimes rituels. Des messages sur les réseaux sociaux alimentent cette paranoïa. L’enlèvement le 12 janvier d’un garçon de 3 ans prénommé Rinaldi, dans un village situé dans le nord du pays, n’a fait qu’accentuer les inquiétudes de la population. Les écoles ont été fermées pendant plusieurs jours car les parents se refusaient d’y envoyer leurs enfants.
Il faut vivre dans ce pays pour comprendre cette peur. J’ai résidé 4 ans en famille à Libreville et je peux vous dire que ces enlèvements que nous lisions dans les journaux m’ont traumatisée. Oui la vie au Gabon m’a rendu paranoïaque, moi la mère de 3 enfants en bas âges.
Ma première fille a vu le jour à Libreville, les jumeaux à Ouagadougou parce que j’y tenais, mais nous y sommes retournés après leur naissance. La délicatesse de ma seconde grossesse était telle que je ne pouvais plus conduire à 3mois de grossesse, et un matin j’ai lu le dossier de Jeune Afrique avec comme titre « Crimes rituels : sur l’autel de la puissance et de l’impunité » du 10 juin 2014. Je fus définitivement traumatisée. Parce qu’en plus des enfants, il y’avait des rumeurs d’enlèvement de jeunes femmes et surtout de femmes enceintes. J’évitais donc les taxis. Dieu étant merveilleux, nous avions retrouvé là-bas l’ancien cireur de chaussures de mon père devenu taximan prospère à Libreville. C’est lui qui au besoin, m’amenait effectuer certaines courses dans la journée en toute confiance.
Cet article venait après la lecture chaque semaine dans les journaux du pays de la disparition d’enfants dont on découvrait, parfois, plus tard, des membres, des restes au bord de la mer, dans des glacières, des lieux isolés… Les détails étaient à chaque fois sordides et terrifiants. Je peux vous dire qu’aucun de nos voisins ou des personnes de mon quartier n’ont vu mes jumeaux. Impossible pour moi de les promener dans leur poussettes dans les rues de notre quartier, nous allions le faire autour du stade de Angondjé ou ailleurs. Nous avons amené avec nous une nounou, une dame d’une quarantaine d’années, du Burkina Faso parce que sinon je n’aurai jamais pu sortir de ma maison sans mes enfants. Certaines nounous là-bas avaient aussi disparu avec des enfants… L’article expliquait aussi qui étaient les cibles de ces crimes rituels et vous savez tous les fantasmes nourris sur les jumeaux, les parents de jumeaux et les albinos.
Par la force des choses j’ai vu des photos d’enfants et d’adultes mutilés, démembrés, auxquels on a enlevé des organes… Des mères, des parents témoigner de cette atrocité. Vous pouvez les retrouver sur Google en tapant juste « crimes rituels » (Âmes sensibles s’abstenir fortement). De plus, l’existence des loges, l’ambiguïté de certains lieux de cultes, cette expression décomplexée de la cupidité et du gain facil, renforçaient mes craintes . Comprendrez donc ma paranoïa, mon traumatisme, nos traumatismes…
Il y a eu des marches, des manifestations, des témoignages horribles de parents qui n’avaient soit rien à enterrer soit une jambe, une tête, un corps mutilé si l’enfant était retrouvé… et nous ne parlions là que des parents qui osaient porter plainte. Les immigrés ouest africains (les ouestaf comme ils nous appellent) et d’autes pays qui y sont ne portent pas plainte car plusieurs d’entre eux n’ont pas de carte de séjour et ont peur de se faire arrêtés, harcelés, rapatriés, escroqués s’ils mettent le pied dans un commissariat. Ils taisent leurs peines et leurs douleurs pour ne pas perdre tout ce qu’ils ont acquis durement pendant des années de clandestinité. Les réalités de l’immigration sont terribles.
Un dimanche soir où nous étions chez ma soeur et beau frère à Libreville, mon mari reçoit un coup de fil d’un ami en plein désarroi. L’une des femmes de l’imam de la mosquée de son quartier avait disparu depuis le matin avec leur bb de 2 mois, enlevés par une voiture lors de ce qui resemblait à un supposé control de police. Elle a dit ne pas avoir ses papiers sur elle et ils lui ont demandé de leur laisser son bb pour aller les chercher, ce qu’elle a évidemment refusé. Quelques mètres plus loin une voiture se gare et la pousse dans la voiture, encadrée par deux personnes elle aurait eu les yeux bandés et aurait été conduite dans un lieu inconnu où elle a été laissé seule. Elle a alors pu appeler son époux mais était incapable de se situer géographiquement. Elle n’avait plus de crédit. Ils lui font un transfert pour qu’elle reste joignable.
Mon mari qui était dans la téléphonie mobile a donc été appelé pour savoir comment se téléphone pouvait être tracé. S’en suivent plusieurs tractations pour qu’en ce dimanche soir cela puisse être possible. Pour ce type de demande il y a des procédures précises. Il contacte ses collègues, son DG, des connaissances, des hommes de lois, … la machine se met en branle… son ami et l’imam ont été plusieurs fois au commissariat dans la matinée pour déclarer la disparition et l’appel au secours de cette mère et ils leur auraient assuré que la plainte avait été reçue. Après les multiples appels de ce dimanche soir il ressort qu’aucune plainte n’avait été déposée ce jour concernant une disparition, aucune trace nulle part donc évidemment aucun signalement et début d’enquête malgré l’urgence… Notre peur grandit. La femme a été enfin localisée dans un quartier grâce à cette mobilisation et à la technique et l’imam et notre ami étaient en route pour la chercher quand elle a été retrouvée à un carrefour, larguée par une voiture et complètement hagarde… traumatisée mais vivante, son bb aussi. Dieu merci. Nous avons conclu qu’ils ne s’imaginaient pas qu’il puisse y avoir une telle mobilisation pour une pauvre dame sans papier un dimanche à Libreville. L’iman a par la suite fait rentrer femmes et enfants au pays.
Ces crimes rituels sont attribués à des personnes du monde politique et des affaires en quête de pouvoir, de puissance, de conquête ou de reconquête d’un statut social. Les rares kidnappeurs arrêtés ont servi d’exemple mais rarement des commanditaires ont été interpellés et condamnés… comme d’habitude sous nos cieux.
Ce sentiment d’insécurité et de paranoïa, cette peur, cette psychose je la comprends parfaitement et j’imagine la révolte,le ras-le-bol, ce sentiment d’injustice et d’impunité qu’ont les gabonais en ce moment. Le gouvernement dément les rumeurs qui selon elles sont fausses. Les question à se poser sont plutôt:
– qu’est ce qui amène un peuple à croire à ce type de message?
– mesurez vous le degré de traumatisme des gabonais et des habitants du Gabon?
– comment de telles rumeurs peuvent paraliser l’année académique sans aucun fondement ?
– à quoi ressemble un peuple qui n’a pas confiance en ses dirigeants et en sa justice ? Il se fait justice lui-même. La preuve deux personnes soupçonnées d’enlèvement d’enfants ont été lynchées ces derniers jours par une foule révoltée.
L’actualité gabonaise de ces dernières semaines m’a replongée dans des souvenirs difficiles et dans une forme d’anxiété….Courage aux gabonais!
Désolée si j’ai plombé votre début de week-end il est important de savoir que chaque pays vit ses réalités en fonction de ses croyances et de son imaginaire collectif. Nous ne sommes pas à l’abri dans nos pays, il y a eu plusieurs cas en Côte d’Ivoire ces dernières années qui m’ont m’ont profondément bouleversée ?. La quête du succès et du pouvoir sans intégrité ni état d’âme est nuisible pour la société.Que Dieu protège tous nos enfants et qu’IL veille sur eux partout et à tout moment ??. Soyons et restons prudents et vigilants où que nous soyons.
Si vous croyez que vous avez tout vu et tout vécu, voyagez, vous verrez qu’il y a encore des choses, à voir, à découvrir en bien ou en mal mais c’est tout cela qui nous procure des expériences. Votre vérité n’est vraie que dans votre contexte et selon vos croyances, ailleurs il y a d’autres réalités, d’autres vérités et que vous y croyiez ou pas, que vous les compreniez ou pas, elles existent.
Article pour mieux comprendre le sujet (âmes sensibles s’abstenir):
– https://www.jeuneafrique.com/137350/societe/gabon-crimes-rituels-le-prix-du-sang/
– https://www.jeuneafrique.com/52666/politique/crimes-rituels-sur-l-autel-de-la-puissance/
– https://www.jeuneafrique.com/52734/societe/crimes-rituels-au-congo-la-cata-kata-kata/
– https://m.le360.ma/afrique/cote-divoire-senegal-mali/societe/2018/03/10/19682-afrique-une-recrudescence-inquietante-des-crimes-rituels-19682
– https://www.google.com/amp/s/www.voaafrique.com/amp/4266219.html
Tim